12 juillet 2024 Boulogne : 4 morts
17 juillet 2024, Gravelines : 1 mort
19 juillet 2024, Calais : 1 mort
Combien de morts encore ?
Depuis le début de l’année 2024, 22 personnes au moins ont perdu la vie en tentant la traversée vers le Royaume-Uni. Et toujours le même récit : celui d’un départ précipité sur une embarcation surchargée, pour éviter les patrouilles et rêver d’avenir.
60, 70, 80 personnes entassées sur des engins gonflables qu’on n’utiliserait même pas sur une plage en été.
Et puis l’eau qui s’engouffre, qu’on ne parvient pas à écoper.
Et le moteur qui cale, qu’on ne parvient pas à relancer.
Et puis la peur aussi, celle de mourir ici.
21 juillet 2024, Boulogne encore.
54 personnes, la plupart sans gilet de sauvetage, sur une embarcation si déformée par le poids de ses passagers que l’hélice jaillit de l’eau à chaque ondulation des vagues. Sur place, le remorqueur « Abeille Normandie » et le patrouilleur garde-côtes des douanes « Kermorvan ».
Il est 6h30 environ, à moins de 3 milles nautiques (5 km) des côtes françaises. C’est la dernière ligne droite mais il est déjà évident qu’elle ne mènera nulle part.
Pas aujourd’hui.
Une heure de lutte encore, à cheval sur des flotteurs en train de se dégonfler, un pied dans l’eau et un autre dans le bateau pour ne pas écraser davantage celles et ceux qui se trouvent au milieu. Une heure avant de se résigner et de monter sur des navires de sauvetage synonymes d’abandon.
Le stress qui s’installe, la panique qui lui succède. Une personne se jette à l’eau, puis deux, puis trois, puis une dizaine. Épuisées, sans gilets, les vêtements gorgés d’eau, juste assez d’énergie pour agripper une bouée ou bien une main tendue.
Aujourd’hui, tout le monde s’en sortira. 55 êtres humains, parmi lesquels une femme enceinte de 6 mois, un enfant en exil avant même d’être né.
Combien de morts encore ?
Combien de morts encore avant de tirer les enseignements d’une politique sécuritaire et xénophobe, qui fait chaque jour la démonstration de son indignité et de son incapacité à atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés.
« Maîtriser les frontières et les flux migratoires » est un échec annoncé et une faillite morale.
Les « flux migratoires », ce sont des noms, des visages et des histoires. De la détresse, souvent, et de l’espoir toujours, pas des données anonymes dans un bilan comptable. Du reste, « on ne répond pas à la souffrance en envoyant les CRS », a déclaré un jour le député-ministre démissionnaire (ou pas) de l’Intérieur, dans un élan irrépressible de compassion désintéressée.
Le 25 mars dernier, la députée des Hauts-de-Seine Elsa Faucillon déposait la résolution n°2398, « tendant à la création d’une commission d’enquête relative aux conséquences des accords du Touquet sur l’action publique et le respect des libertés et droits fondamentaux des personnes en situation de migration »1.
Depuis, l’Assemblée Nationale a été dissoute, puis renouvelée, au terme d’une campagne qui a vu la parole raciste s’affranchir de ses dernières inhibitions. La victoire en trompe-l’oeil du Nouveau Front Populaire ne saurait occulter cette réalité, ni nous faire oublier nos responsabilités en tant qu’organisation syndicale porteuse d’un projet de transformation sociale et d’émancipation.
En conséquence, la section garde-côtes de Solidaires Douanes enjoint à tou·te·s les député·e·s se prévalant de valeurs humanistes de joindre le geste à la parole en soutenant sans délai la création effective d’une commission d’enquête parlementaire visant à faire la lumière sur le traitement infligé aux personnes en exil sur le littoral du Nord et du Pas-de-Calais.
Nos frontières tuent et nous ne regarderons pas ailleurs.